Depuis le 11 septembre 2001, les mots en « iste » relatifs à l’islam pullulent . D’abord dans les discours politiques puis, avec une crédulité fainéante, dans les médias. Les mots « terroriste » « djihadiste » et « islamiste » sont utilisés comme des synonymes pour éviter le doublon alors qu’ils sont fondamentalement différents et même, dans certains cas, carrément antinomiques.
En 2011, dans un billet titré « Islamiste : mot valise, mot balise », je déplorais l’utilisation d’adjectifs troubles pour décrire les victoires électorales des partis conservateurs au Maghreb, à savoir le PJD au Maroc et Ennahdha en Tunisie. L’année suivante, en 2012, dans « Merah ? Mais rien à voir ! », je dénonçais les parallèles hasardeux entre le jeune terroriste originaire de Toulouse et ses semblables. Aujourd’hui, après les attentats qui ont frappé la France et la Belgique, et alors que leurs auteurs ont prouvé leur très faible instruction religieuse, je constate que la même sémantique biaisée est toujours utilisée. Il devient donc nécessaire de rappeler la (vraie) définition de ces mots rabâchés avec gourmandise par la sphère politico-médiatique.
Terroriste – Djihadiste – Islamiste : trois mots di-ffé-rents
Terrorisme : Ensemble d’actes de violence exercé sans distinction sur une population civile ou sur une armée dans le but de semer la terreur. Il n’existe pas, à proprement parler, de règles dans le terrorisme. Le but est de faire le plus de victimes sans s’encombrer de morale ou d’humanisme. Le terroriste peut frapper partout et n’importe quand sans respect pour la vie humaine, ni même pour la sienne lorsqu’il se transforme en kamikaze. Les auteurs des attentats de Paris et de Bruxelles peuvent donc être légitimement considérés comme des terroristes puisqu’ils ont tué des innocents désarmés qui ne représentaient aucune menace.
Djihadisme : Djihad en arabe signifie littéralement « effort », « lutte », son sens premier n’a pas de notion mortuaire. Il s’agit d’efforts quotidiens que le musulman est tenu de faire pour devenir une meilleure personne. Pour exemple, contenir sa colère, se forcer à être généreux, patient, compréhensif, sont autant de djihad que préconise l’islam. La notion de djihad armé, au sens où il est largement sur-employé, fait référence à de la résistance, à de l’auto-défense dans une situation très particulière. En cela, le djihadiste est un combattant qui respecte des « règles de guerre » définies par sa religion. Un code de la guerre, largement méconnu, qui n’a rien à envier à l’actuelle convention de Genève. Selon plusieurs événements reconnus par nombre d’historiens, voici les recommandations du prophète Mohammed en temps de guerre :

Le commandant Massoud, qui a combattu l’invasion russe à la fin des années 1980 avant de s’opposer aux Talibans dans les années 1990, peut être légitimement considéré comme un djihadiste. Car il résistait à l’envahisseur et combattait l’oppresseur tout en respectant un code de guerre. Au contraire du terroriste qui frappe aveuglement, sans distinction, et avec des motifs pour le moins contestables. Donc, par définition, un djihadiste ne peut être terroriste.
Islamisme : Selon la définition communément admise, l’islamiste est celui qui associe politique et islam. Usant de l’un pour assoir son autorité sur l’autre, et vice versa. Là encore, l’approximation des discours participe grandement à la confusion générale. Un islamiste n’est pourtant pas nécessairement un djihadiste et encore moins un terroriste. C’est généralement un politique dont le programme s’inspire grandement de l’héritage culturel et religieux de son pays. En cela, il n’est rien d’autre qu’un simple conservateur comme ils en existent partout dans le monde, sous différents degrés et de différentes confessions : Angela Merkel en Allemagne, Recap Erdogan en Turquie ou Christine Boutin en France pour ne citer qu’eux.

Pour régler un problème, il faut pouvoir le nommer correctement. En jetant le bébé avec l’eau du bain, ou le musulman avec le sang du terroriste, les acteurs de cette confusion sèment la terreur dans la population. Donc, en plus des terroristes qui ont frappé dans leur chair les peuples de France et de Belgique, il serait bon de condamner ces terroristes de la sémantique.
29 août 2016 at 16 04 18 08188
Bonjour,
C’est bien exact vos clarifications sémantiques. On pourrait d’ailleurs rajouter que malgré de nombreuses tentatives au niveau international il n’existe aucune définition juridique du terrorisme. Cela dit, votre clarification est bien appropriée car elle insiste sur la ‘terreur’ comme méthode.
En revanche, nombreux attentats commis sur le sol européen n’ont pas été commis à l’aveugle mais les cibles étaient bien désignées : caricaturistes de Charlie Hebdo, juifs (supermarché) etc avec une revendication « religieuse » (en ce compris pour le Bataclan -il suffit de relire le communiqué de l’Etat islamique qui parle de la ‘décadence’ de la France et de ses mécréants)’. Ces attentats ont utilisé la méthode de la terreur par leur violence mais étaient bien ciblés avec des revendications politico-religieuses par des personnes qui se sont revendiquées de l’Etat islamique. Ce n’était donc pas le fait d’un aveugle avec une canne blanche dans une main et une fusil-mitrailleur dans l’autre qui ont commis de la terreur..
Concernant le terme ‘djihad’, C’est aussi bienvenu de rappeler sa notion première : le djihad interne pour se réguler et devenir une personne meilleure (NB: le ‘meilleur’ étant défini/éclairé par le texte coranique). La spécificité de la ‘situation de résistance’ et qui peut justifier le djihad est plus problématique. Bien que je vous rejoins sur le plan conceptuel, le problème étant que la notion de ‘résistance’ est un concept socio-politoco-militaire et non juridique. Autrement dit, des djihadistes peuvent avoir le sentiment d’être dans une situation de résistance militaire de ‘dernier ressort’ alors qu’objectivement et/ou juridiquement il ne le sont pas ou cela ne se justifie pas. C’est d’autant plus complexe avec les notions de ‘dar al-harb’ et de ‘dar al-islam’ qui peuvent être compris, voire détournés (consciemment ou non) pour justifier une ‘résistance’ surtout au vu de toutes les situations entre les deux : ‘dar al-ahm’ , ‘dar al-Sulh’.
Bien à vous,
Eric Dumont
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15 avril 2017 at 15 03 40 04404
Bonjour Éric Dumont,
Navré pour le retard, votre commentaire m’avait échappé. Merci pour votre contribution.
Il est vrai que certains auteurs d’attentats se nomment djihadistes, mais si la confusion ne venait que d’eux-mêmes, la situation serait déjà moins amère. J’ai voulu rappeler la signification de ces mots car ils sont systématiquement détournés par les sphères censées nous diriger ou nous informer. Ce qui devient un vrai problème lorsque ceux-ci cherchent (à raison) à combattre ce phénomène.
Concernant le sentiment de « résistance », votre remarque, très pertinente, me permet de préciser qu’il s’agit évidemment d’appréciation personnelle et non juridique, comment pourrait il en être autrement? Les recommandations religieuses données dans cette situation ne valent que pour la personne de bonne foi, dans le cas où celle-ci se sent attaquée et n’a d’autre recours que la lutte armée. Si son intention est insidieuse ou malhonnête, c’est comme pour le reste, il en rendra compte à Dieu. Sans rentrer dans des considérations beaucoup plus larges d’alliances et de gouvernance (qui m’indiquent que vous êtes initié à la question), je voulais avant tout mettre en avant la notion initiale du djihadiste. Celle d’un combattant noble qui n’agit pas sans foi ni loi. Et donc très loin de l’image d’aujourd’hui désignant une sorte de soldat des ténèbres voulant soumettre la terre entière.
Bien à vous
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